ARTICLE > Charlotte Charbonnel « Achròn », BACKSLASH Gallery | esse #83

ARTICLE > Charlotte Charbonnel « Achròn », BACKSLASH Gallery | esse #83

Charlotte Charbonnel, KIC10273384, de la série Astérisme, 2014. Photo : © Charlotte Charbonnel, permission de Backslash Gallery, Paris
Charlotte Charbonnel, KIC10273384, de la série Astérisme, 2014. Photo : © Charlotte Charbonnel, permission de Backslash Gallery, Paris
 Charlotte Charbonnel, Concretio no 14, 2014. Photo : © Charlotte Charbonnel, permission de Backslash Gallery, Paris

Charlotte Charbonnel, Concretio no 14, 2014. Photo : © Charlotte Charbonnel, permission de Backslash Gallery, Paris

Charlotte Charbonnel, Achròn
Backslash Gallery, Paris, du 11 septembre au 22 novembre 2014

Avec Achròn, Charlotte Charbonnel propose une exposition épurée qui forme à elle seule une petite cosmologie. Celle-ci s’ouvre sur un paysage de globes de verre sonores dont la surface travaillée évoque des masses gazeuses. Les sons sont ceux d’une constellation faisant actuellement l’objet d’une sonification – procédé visant à transposer les ondes lumineuses des étoiles en signaux acoustiques – par la NASA. Plus loin, Anamorphone (2014) reconstitue un « bruit blanc » correspondant au spectre audible. Les hautparleurs répartis autour de l’espace suivent une gradation de fréquences et produisent une ellipse sonore, son enveloppant perçu à la fois visuellement et auditivement. Il y a quelque chose de liquide, voire de marin, dans cette installation : le verre que Charbonnel utilise pour ses propriétés acoustiques rappelle l’aquarium, tandis que les fils des hautparleurs, qui descendent le long des murs, paraissent onduler comme la végétation d’un fond océanique. Ce bruit blanc constitue d’ailleurs le son hypnotique des vagues ou du vent.

Concretio 20, 2008 Sel et corde. 8 x 60 x 9 cm © Charlotte Charbonnel
Concretio 20, 2008
Sel et corde. 8 x 60 x 9 cm
© Charlotte Charbonnel

L’installation répond ainsi subtilement à la série Concretios (2014), agglomérations de cristaux de sel produites par l’action d’une humidité invisible. Six à huit mois ont été nécessaires pour cultiver les conditions idéales de production des cristaux : protocole précis d’humidification, classification et recensement de cordes de tissus intéressantes pour leur capacité à former ou à laisser croitre ces cristaux. La collection présentée dans des écrins noirs constitue une merveilleuse leçon de cristallographie : cristaux ronds, carrés, concrétion plus ou moins pure. La pureté ou l’impureté du sel utilisé donne plus ou moins d’accroches à la lumière, tout comme les gouttes d’eau qui forment un nuage se prêtent plus ou moins au jeu de la réverbération. Avec Nebula I, IIIII (2014), cette pureté dans la captation des états intermédiaires de la matière se transpose dans l’évocation du passage de l’état liquide à l’état solide avec la gravure de nuages dans des plaques de verre.

Gaston Bachelard disait que l’imagination, plutôt que d’être la faculté de former des images, était la faculté de déformer les images fournies par la perception. Charbonnel semble adopter le même programme. À la suite d’un protocole précis qui donne à percevoir différemment un phénomène complexe, elle crée un temps suspendu, terreau fertile pour l’imaginaire. Ressentir la vibration d’une constellation, percevoir les ondes d’une matière solide, leur propagation dans l’air, comprendre la mécanique d’un fluide qui s’évapore… Il ne s’agit pas de se positionner comme un démiurge – opération qui se limiterait à reconstituer précisément des phénomènes naturels en laboratoire –, mais de revisiter les formes qui ont toujours exercé une fascination sur l’humain – soit celles qui se situent dans l’interaction des quatre éléments ou la nature élémentaire de l’univers –, rendant la vision d’un ciel étoilé ou le spectacle de la formation des nuages magnétisants.

Charlotte Charbonnel, Nebula I, 2014. Photo : © Charlotte Charbonnel, permission de Backslash Gallery, Paris
Charlotte Charbonnel, Nebula I, 2014. Photo : © Charlotte Charbonnel, permission de Backslash Gallery, Paris

Lire l’article dans la revue esse 

 

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