EXPO > « Miroir ô mon miroir » : propos de l’exposition

EXPO > « Miroir ô mon miroir » : propos de l’exposition

Le conte est un monde où « l’enchantement va de soi et la magie est la règle1 ».

La psychanalyse a montré combien les contes pouvaient être structurants pour les enfants, en leur permettant de résoudre des conflits psychiques intérieurs profonds, voire indépassables ; les folkloristes et les ethnologues ont mis au jour leurs points communs avec les rites initiatiques primitifs. La simplicité apparente des contes est en effet trompeuse. Ceux-ci sont aussi le lieu de l’expression de nos peurs archaïques et de nos fantasmes archétypaux ; points de convergence entre l’imaginaire individuel et l’imaginaire collectif. Dans l’art contemporain, la résurgence de motifs ou de thèmes fréquemment rencontrés dans les contes est manifeste. Consciemment ou non, certains artistes réactivent ces images universelles et constitutives. Beaucoup d’œuvres sont ainsi liées aux formes de l’initiation primitive. Initier signifie mettre sur un chemin, sur une voie en vue d’un changement. Dans les contes, les objets sont des vecteurs importants de cette transformation. Ils agissent comme obstacles ou facilitent la progression du héros. Leurs caractéristiques propres ne sont pas totalement étrangères au monde réel, mais liées à un monde invisible. Les objets ou les animaux peuvent être des auxiliaires magiques, l’animal n’attend qu’un prétexte pour parler, les objets qu’une occasion pour s’animer. Comme pour les objets que l’on croise dans les contes, les œuvres présentées dans « Miroir ô mon miroir » ne sont jamais réellement ce qu’elles semblent être. Elles traitent des limites parfois ténues entre le monde végétal, minéral ou animal, montrent la puissance des éléments naturels et la nécessité pour l’Homme de les accepter ou encore donnent accès aux forces invisibles.

Représentative de nos désirs, angoisses, ou fantasmes les plus archaïques, l’exposition reprend plusieurs moments caractéristiques du déroulement typique d’un conte : la transgression d’un interdit de départ, des épreuves ou des obstacles à dépasser, la transformation d’une situation initiale jusqu’au bonheur retrouvé. Elle propose un voyage dans des contrées magiques, merveilleuses et parfois inaccessibles de notre imaginaire et de notre inconscient. L’exposition est jalonnée d’objets qui symbolisent le tabou, les obstacles, la stigmatisation ou sont tout simplement magiques.

Le conte n’est pas totalement déconnecté du réel. Il expose dans bien des cas nos contradictions psychiques, comme lorsqu’il oppose le désir des personnages au principe de réalité. L’exposition peut ainsi être vue comme une métaphore de nos vies contemporaines : interdictions, luttes, obstacles parsèment aussi nos existences. Autant d’épreuves qu’il faut surmonter pour espérer obtenir une certaine reconnaissance : des tâches difficiles à accomplir ou encore des épreuves de force et de courage.

La plupart des contes commencent par une situation initiale structurée autour d’un manque ou d’un interdit. Le héros est conduit à rapidement transgresser celui-ci malgré les mises en garde de son entourage avant de connaître une lente métamorphose. La transgression de l’interdit initial est symbolisée par l’entrée dans une grande forêt. Pouvant être à la fois refuge, lieu de rencontres magiques ou d’expériences personnelles, la forêt est un seuil qui implique un non-retour, le début d’une lente métamorphose…

L’oralité et le récit dans l’exposition

L’exposition « Miroir ô mon miroir » présente le cadre pour un récit qui doit être construit par le visiteur. Tout comme l’oralité est prédominante dans la transmission des contes, la circulation de la parole, et à travers elle l’interaction sociale, a une place fondamentale dans l’exposition. « Miroir ô mon miroir » est aussi l’occasion de penser l’exposition comme un flux, comme une forme d’énergie transformatrice.

1 Roger Caillois, Anthologie du Fantastique, Tome 1, NRF, 1966, p. 8.

Image : D’après Captivité de Laurent Pernot, 2015. Courtesy Galerie Ouizeman, Paris. © ADAGP, 2015.

Back to Top